L'agriculture multifonctionnelle en Région wallonne (2005)

Le concept d’une agriculture multifonctionnelle

La société évolue, ses attentes aussi. Au cours des dernières décennies, la place de l’agriculture dans la chaîne alimentaire et dans la société s’est profondément modifiée. Alors que l’évolution du secteur agricole impose un modèle de développement laissant peu de chances de survie aux structures trop exigües, le concept d’une agriculture multifonctionnelle est perçu comme un moyen d’assurer le maintien d’exploitations agricoles. Quoique controversé sur la scène internationale, ce concept s’est imposé dans les débats dans le courant des années 90 en tant que garant du modèle agricole européen.

Le caractère multifonctionnel de l’agriculture n’est donc pas neuf. Il consiste à reconnaître que les agriculteurs possèdent plusieurs fonctions en dehors de leur fonction première qui est de produire des matières premières agricoles.  

La Commission européenne (CE, 1999) distingue trois types de fonctions principales :

  • La production d’aliments et de fibres ;
  • La préservation de l’environnement rural et des paysages ;
  • La contribution à la vitalité des zones rurales et à l’équilibre du développement territorial. 

Le modèle basé sur la multifonctionnalité repose sur la possibilité, pour les agriculteurs, de générer de nouvelles activités économiques et des revenus alternatifs grâce à ces autres fonctions.

Enquête menée auprès de 187 agriculteurs

Dans ce contexte, la Cellule CAPRU a réalisé une étude portant sur le positionnement des agriculteurs wallons dans la ruralité de demain et sur l’articulation de leurs rôles aux attentes de la société.  Au départ du concept de multifonctionnalité en agriculture, l’approche développée s’est volontairement centrée sur les activités et rôles alternatifs à la production de matières premières agricoles en tant que levier potentiel pour rétablir des liens entre l’agriculture et la société. L’état des lieux met en évidence les avantages et contraintes que les agriculteurs identifient en relation avec ces rôles alternatifs aussi bien sur le plan économique que social ainsi que les facteurs de motivation et de blocage qui précèdent la décision d’entreprendre ou non de telles activités. Dans une vision prospective, les sentiments des agriculteurs sont appréciés à travers une série de questions portant notamment sur le renforcement des fonctions alternatives, l’évolution des systèmes de production et des interactions entre agriculteurs, consommateurs et autres acteurs locaux.

Les résultats de l’analyse sont disponibles via le rapport complet qui a été rédigé (voir les fichiers joints en bas de la page). Ils s’appuient sur un sondage mené auprès d’un échantillon de 187 agriculteurs répartis dans 12 communes de la Région wallonne (carte ci-dessous). L’étude se prolonge par une consultation transversale des acteurs agricoles et non-agricoles. Les résultats de l’enquête sont discutés lors d’ateliers de restitution organisés dans les communes sondées. Ces ateliers ont pour objectif de valider les résultats et de confronter la perception des agriculteurs aux besoins et attentes des autres acteurs du monde rural.

Spécialisation des fermes

Le Point de vue des agriculteurs : « La diversification des activités à la ferme : …

… Une opportunité de développement » 

Dans l’échantillon sondé, 40% des agriculteurs affirment avoir besoin de la diversification à la ferme d’un point de vue économique tandis que 39% disent ne pas en dépendre.  Selon les agriculteurs interviewés, le principal avantage des activités de diversification tient dans l’opportunité de générer davantage de valeur ajoutée à la ferme.  Trente pour-cent des agriculteurs sondés ont le projet de développer de nouvelles activités à la ferme. La plupart d’entre eux pensent au tourisme à la ferme.  

... Un investissement humain et financier »

Comme pour toute activité d’entreprise, la diversification des activités à a ferme représente une prise de risque engageant des moyens financiers parfois importants et sans garantie de succès. Il s’agit également d’un investissement humain important qui exige une grande disponibilité et, souvent, la présence des deux conjoints à la ferme. La diversification des activités à la ferme ne répond pas nécessairement à l’objectif de l’exploitant et demande des prédispositions et compétences spécifiques. 

... Une invitation au dialogue » 

Source d’enrichissement humain et de reconnaissance sociale, l’implication va au-delà de la dimension économique. Le contact avec les visiteurs et l’opportunité offerte de fournir des explications sur les produits et le métier sont très appréciés par les agriculteurs. La fierté de proposer un bon produit fini au consommateur et la satisfaction des clients sont aussi des facteurs de motivation.   

Graphique rôles des agriculteurs dans la gestion des paysages

Les agriculteurs : acteurs de premier plan dans la gestion des paysages et des ressources naturelles

Les agriculteurs interrogés affirment quasiment à l’unanimité qu’ils jouent un rôle actif dans la gestion des paysages (96%) et des ressources naturelles (92%). Ils considèrent que ces services environnementaux et leur implication ne sont pas reconnus par la société (figure ci-jointe).

Le manque d’information ou une mauvaise information est, selon les agriculteurs, à la base de ce manque de reconnaissance. Ils estiment que les medias sont parfois responsables de cette désinformation alors qu’ils ont un rôle important à jouer auprès du public.  74% des agriculteurs sondés pratiquent au moins une mesure agri-environnementale (MAE). Ils adoptent ainsi volontairement des méthodes de production apportant une contribution complémentaire à la protection et à l’amélioration de l’environnement et du paysage.

L’agriculture dans 10 ans : multifonctionnelle ou duale ?

Les perspectives et les fonctions de l’agriculture wallonne dans 10 ans sont appréciées à travers le positionnement des agriculteurs sondés vis-à-vis d’une série d’affirmations évoquant des scénarii d’évolutions possibles. Les résultats sont indiqués dans le tableau ci-joint.  

75% des agriculteurs sondés estiment que les systèmes de production vont évoluer vers une plus grande spécialisation. Dans leurs commentaires, ils disent déplorer cette évolution mais que c’est celle qui se profile avec les orientations actuelles de la politique agricole. Cette vision est quelque peu nuancée lorsque 54% des agriculteurs sondés pensent que les activités des agriculteurs seront plus diversifiées à l’avenir. Ils commentent leur avis en précisant qu’ils perçoivent qu’on les incite à diversifier leurs activités et partagent la vision d’une contribution positive de l’agriculture multifonctionnelle à l’économie locale et régionale et sur le plan socioculturel mais ils considèrent que le modèle de la ferme multifonctionnelle est un modèle de développement pour les petites exploitations qui choisiront une stratégie alternative. 

En outre, près de 70% des agriculteurs sondés pensent qu’une activité complémentaire non agricole sera nécessaire pour de nombreux agriculteurs ou considèrent même que l’agriculture deviendra l’activité complémentaire d’une activité principale non agricole. Dans un cas comme dans l’autre, les agriculteurs sondés voient l’agriculture se développer selon un modèle d’agriculture duale, mettant en évidence les contradictions qu’ils perçoivent dans les signaux véhiculés par la PAC. 

L'étude détaillée est accessible via les fichiers ci-dessous :

Fichiers joints: