L'entrepreneuriat rural en Région wallonne (2006)

L’approche développée prend appui, dans un premier temps, sur la nécessité de mettre en œuvre des actions participant à la revitalisation et au développement socio-économique des zones rurales. A partir d’une analyse bibliographique, de nombreuses hypothèses de base sont posées et il est apparu qu’un des vecteurs semblant pouvoir répondre à cette attente est celui des Très Petites Entreprises (TPE).   

Un état des lieux de la situation actuelle du positionnement des petits entrepreneurs wallons mérite donc d’être dressé. Cet état de lieux vise à promouvoir l’importance des nombreux services offerts par ces entreprises vis-à-vis du dynamisme rural, dégager des pistes d’intervention pouvant inciter à la création d’entreprises en zones rurales et dresser le profil de l’entrepreneur; l’entrepreneurship étant largement tributaire de ses propres caractéristiques.

Pour ce faire, des entrepreneurs ont répondu à nos questions par le biais de contacts de terrain. Leurs témoignages ont ensuite été confrontés à l’opinion d’autres acteurs du monde rural au travers d’ateliers de travail organisés au sein des communes préalablement sélectionnées pour cette étude.

Les questions de recherche auxquelles cette étude tentera de répondre concernent les motivations à s'implanter en zone rurale, elles tentent également de déterminer si les infrastructures et services locaux disponibles en milieu rural sont propices à l'installation des TPE et si les ressources endogènes du milieu rural conditionnent leur installation. Les interactions locales entre la TPE et les différents acteurs du milieu rural sont également étudiées.

Les hypothèses de base se vérifient ...

... Les TPE créent de l'emploi

  • 68% des TPE engagent du personnel. 32% des TPE sont unipersonnelles ou uniquement composées de plusieurs chefs d’entreprise.
  • La taille moyenne d’une TPE est de 3.9 travailleurs
  • 60% des entrepreneurs estiment créer de l’emploi pour les résidents. Ci-contre, la figure représente la distribution des entrepreneurs (en %) à la question suivante : "L'activité d'une TPE en milieu rural crée de l'emploi pour les résidents".
  • L’emploi créé est principalement local. Deux entreprises sur trois engageant du personnel ont plus de 50% de leurs travailleurs issus de la commune dans laquelle est localisée l’entreprise. D’autre part, le personnel extérieur à la commune est dans la plupart des cas situé à moins de 24 km.
  • Les entrepreneurs expliquent qu’ils préfèrent engager leur personnel dans leur entourage, pour plus de flexibilité et de disponibilité (car proximité) et promouvoir localement leur notoriété.

Elles maintiennent l’offre de services variés et répondent à une demande locale

  • 68% des TPE offrent des services et/ou produits variés. La variété est souvent indispensable à la pérennité de l’entreprise : équilibre en cas d’activité infructueuse et d’essais innovants, échelonnement d’activités saisonnières, mais aussi, c’est parfois un mode de vie recherché pour le rythme de travail que la diversité des tâches implique.
  • Une TPE sur trois a sa clientèle principalement composée d’habitants de la commune et des communes avoisinantes.
  • 60% des entrepreneurs s’accordent pour dire que la présence de TPE améliore le niveau de vie des résidents. Ci-dessus, la figure représente la distribution des entrepreneurs (en %) à la question suivante : "La présence d'une TPE améliore le niveau de vie des résidents".

Elles utilisent les talents et la créativité des personnes

  • Des entrepreneurs nous expliquent qu’ils créent leur activité, motivés par le plaisir de proposer des produits et/ou services nouveaux.
  • Pour certains, l’innovation est incontournable pour rester compétitif vis-à-vis des services et production de grande échelle, mais aussi pour motiver les plus grands déplacements parfois nécessaires pour se rendre en milieu rural.

Elles participent à la vitalité sociale des territoires par un tissage relationnel

  • 72% des entrepreneurs ont parmi leur clientèle des habitants de leur commune.  
  • Des réseaux entrepreneuriaux se créent à l’échelle locale : 62% des entrepreneurs entretiennent des relations professionnelles avec d’autres entreprises de la commune (client, fournisseur, sous-traitant).
  • Des synergies entre entreprises existent : échange de conseils, matériel, savoir-faire, maintien des spécificités de chacune afin de rester complémentaires, publicité mutuelle.
  • 85% des entrepreneurs s’accordent pour dire que les TPE permettent de renouer des liens sociaux entre les différents acteurs locaux. Ci-contre, la figure représente la distribution des entrepreneurs (en %) à la question suivante :  "La présence des TPE permet de renouer des liens sociaux entre les différents acteurs locaux".

Elles permettent l’exploitation des ressources locales

57% des TPE valorisent des ressources locales. Les principales ressources utilisées sont des matières premières et produits du terroir, le patrimoine naturel, architectural et culturel ainsi que la main d’œuvre qui dispose d’un savoir-faire spécifique et local.

Les emplois offerts font davantage appel à l’esprit d’initiative des travailleurs, ils sont moins cloisonnés dans une seule définition de tâche

  • 95% des entrepreneurs estiment que le personnel d’une TPE doit être plus polyvalent que celui engagé au sein d’une entreprise de plus grande taille.
  • Les entrepreneurs expliquent qu’étant moins nombreux au sein de l’entreprise, il est indispensable que les membres du personnel puissent s’adapter et répondre à la diversité des tâches qui leur sont demandées.

Le climat de travail y est généralement satisfaisant

  • Une bonne ambiance de travail règne au sein des TPE.
  • Selon les entrepreneurs, une meilleure cohésion entre les membres du personnel et un esprit d'équipe renforcé sont davantage constatés au sein des TPE que dans les entreprises de plus grande taille.
  • Les entrepreneurs confirment que la petite taille de l’équipe facilite la promiscuité entre eux et leur personnel.

Elles contribuent au développement culturel des communautés

  • 64% des TPE participent aux évènements locaux.
  • Environ 40% des TPE le font en sponsorisant clubs de sport, écoles, organisations festives, culturelles et folkloriques de leur commune.

Elles facilitent parfois la conciliation de la famille et du travail

  • La flexibilité du personnel est une caractéristique attendue au sein des TPE : 73% des entrepreneurs estiment que le personnel d’une TPE doit être plus flexible en termes d’horaires que celui engagé au sein d’une entreprise de plus grande taille. Cependant, si le chef d'entreprise sollicite de la flexibilité de la part de son personnel, il lui octroie également plus de souplesse, ce qui facilite l'organisation familiale (possibilité de s'absenter le temps d'aller chercher son enfant à l'école ou de le déposer à la crèche par exemple).
  • Motivation pour 66% des entrepreneurs : travail à domicile, ce qui permet notamment une meilleure conciliation avec la vie de famille.
  • Motivation pour quelques entrepreneurs : travail en famille.

Des pistes d’intervention visant à favoriser le développement des entreprises rurales et leur implantation dans ce milieu sont proposées

A partir de l’analyse des témoignages recueillis auprès des différents acteurs ruraux rencontrés et de leur point de vue plus particulièrement envers des solutions à apporter pour favoriser la propension à entreprendre en milieu rural, il a été possible d’émettre une série de recommandations susceptibles de répondre à cette attente. Celles-ci s’adressent principalement à trois types d’acteurs : les mandataires locaux, les nombreux acteurs de développement rural et les autorités supérieures, notamment compétentes en matière d’enseignement.

Les recommandations présentées ici succinctement sont davantage détaillées dans les tableaux de synthèse, téléchargeables via le lien indiqué en bas de page.

Un profil type de l’entrepreneur rural wallon est établi en quelques mots…

Profil de l'entrepreneur rural wallon

Facteurs de localisation : motivations des investisseurs vis-à-vis du milieu rural

En ce qui concerne les motivations à s'implanter en milieu rural, il ressort clairement que le cadre de vie agréable et le mode de vie (travail à domicile, natif du milieu rural et donc proximité de la famille) prévalent sur les possibilités de promotion (dynamisme de la région, concurrence réduite), d'amélioration des revenus (existence d'un marché potentiel, proximité d'une ville de grande importance) ou de facilités au fonctionnement de l'entreprise (proximité des partenaires, des ressources exploitées, infrastructures routières).

Le cadre de vie agréable semble être l'atout principal jouant en faveur de l'attractivité des campagnes bien avant la recherche d'avantages économiques et techniques. Pour l'activité privée, la recherche de profits économiques et techniques n'est donc pas l'élément majeur ou est en tout cas, plus faiblement ressenti. Le projet entrepreneurial s'inscrit donc davantage dans un projet plus large qui correspond à un véritable projet de vie. Il ressort d'ailleurs une volonté affirmée de la part des chefs d'entreprise de garder un caractère artisanal à leur activité. Cette situation n'est pas originale et confirme bien la multitude de travaux français effectués jusqu'à présent [Chevalier, 2005 – Saleilles, 2005].

Quelques éléments du contexte économique peuvent être considérés comme susceptibles d'avoir un impact sur la décision de la création d'entreprise. En choisissant le milieu rural pour installer leur entreprise, les investisseurs évitent des surcoûts fonciers. La demande locale peut également déterminer la localisation des nouvelles entreprises. D'autres éléments du contexte économique ont été mis en évidence. Une forte présence de petites entreprises et une population dense et en croissance (dynamisme de la région) affectent positivement la création de nouvelles entreprises. Pour respectivement 38 et 50% des entrepreneurs des secteurs du bois et des loisirs, la proximité des ressources exploitées a été déterminante pour le choix du lieu d'implantation de l'entreprise.

Alors que la localisation de l'entreprise pourrait s'insérer dans le cadre d'une stratégie de réduction des coûts de transport, en s'implantant à proximité d'infrastructures de transport de qualité, il ressort de l'étude que ces éléments ne sont que très peu pris en considération par les entrepreneurs. Nos résultats confirment l'étude menée par Janssen (2003) qui n'a pas constaté d'effet significatif du niveau de développement des infrastructures routières, moyens de transport et réseaux de communication (internet, GSM) sur la croissance entrepreneuriale.

Des facteurs institutionnels, tels que les aides publiques à la création, la gestion des infrastructures ou la fiscalité réduite semblent ne pas influer sur les stratégies de création et les processus de mise sur pied de nouvelles entreprises.

L’étude détaillée est disponible via les fichiers ci-dessous :

Fichiers joints: